On a tous connu en entreprise des collaborateurs qui avaient tendance à surjouer leur esprit « corporate ». Dossier sous le coude, ils circulent de bureaux en bureaux, souvent présents près de la machine à café, donnant l’impression d’être sur un sujet brûlant à chaque fois. Parfois, leurs méthodes peuvent être déroutantes, comme envoyer des e-mails tardifs depuis chez eux… voire même, pendant les horaires de bureau, mais depuis des endroits insolites, en étant aux WC par exemple.
Alors que la productivité semble être devenue une obsession dans de nombreuses entreprises, un phénomène inverse se développe dans les rangs des cadres et managers : la fauxductivity. Souvent reliée à un brown-out, cette tendance, qui désigne le fait de faire semblant de travailler tout en donnant l’apparence d’un engagement total, révèle des problématiques profondes liées à la pression et au désintérêt grandissant pour le travail. Quelles sont les raisons de cette pratique, et que dit-elle sur notre rapport au travail aujourd’hui ?
La fauxductivity est un anglicisme qui désigne une pratique consistant à feindre un investissement profond dans son travail, alors que cet engagement est en réalité bien plus faible. Selon une étude de Workhuman, cette tendance toucherait 38 % des cadres supérieurs et 37 % des managers, un chiffre révélateur d’un malaise au sein de l’encadrement. Concrètement, les salariés adoptent des comportements comme l’envoi de mails très tôt le matin ou la participation minimale aux réunions en visioconférence pour paraître engagés.
Ces stratégies, rendues plus faciles avec le développement du télétravail, permettent aux employés de modeler leur emploi du temps de façon à répondre aux attentes apparentes de productivité, tout en allégeant leurs contraintes. Cependant, ce phénomène pose des questions sur les réelles limites d’un modèle de travail basé sur la performance continue.
La pression intense exercée par le « culte de la performance » en entreprise est l’un des moteurs principaux de la fauxductivity. Les entreprises valorisent fortement la productivité et l’engagement, imposant des objectifs toujours plus exigeants. Cette pression vient souvent du sommet de la hiérarchie, affectant particulièrement les managers et cadres supérieurs qui se trouvent sous un regard constant. Cette exigence de performance pousse certains à adopter des comportements de faux-engagement pour ne pas apparaître comme moins performants.
Selon La Charente Libre, cette pression de l’encadrement se répercute sur les équipes, générant ainsi des comportements d’apparence productive sans réelle substance. Le travail, perçu comme une obligation de rendement, perd peu à peu de son sens, incitant même les plus investis à se distancier émotionnellement.
Au-delà de la pression de performance, la fauxductivity révèle également un désintérêt grandissant pour le travail, qui se rapproche du phénomène de quiet quitting. D’après une étude de Gallup, 62 % des employés dans le monde se disent peu investis dans leur travail. Cette déconnexion s’explique par des emplois qui perdent leur attrait et un quotidien professionnel où les tâches répétitives l’emportent souvent sur l’innovation ou l’accomplissement personnel.
Ce désengagement croissant a des conséquences pour les employeurs : non seulement il influe sur la productivité globale, mais il met également en lumière un besoin urgent d’améliorer les conditions de travail. Les entreprises, dans une quête de rentabilité à tout prix, risquent de fragiliser encore plus le lien entre les employés et leur engagement réel, conduisant à une perte de sens pour nombre de collaborateurs.
La montée de la fauxductivity met en exergue la nécessité de repenser le rapport au travail, en particulier en termes d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les entreprises doivent interroger leurs pratiques managériales pour identifier les besoins de leurs équipes. En offrant plus de flexibilité et en valorisant le bien-être, elles pourraient diminuer le recours à cette stratégie de faux-engagement.
Les attentes de productivité doivent donc être repensées afin de promouvoir un environnement de travail qui soit propice à un engagement sincère. Une approche plus humaine et équilibrée pourrait non seulement réduire les comportements de fauxductivity, mais aussi redonner un véritable sens au travail.